Analyse - photo de Susan Copich

par Artsmette  -  #analyse, #critique photo

(c) Susan Copich - Domestic bliss

(c) Susan Copich - Domestic bliss

Susan Copich
Bonheur domestique
1 - Technicité :
Photo prise en plongée vraisemblablement pour donner à voir le contenu des assiettes, des verres et de la tasse, les cheveux du père. Seul le regard de la mère se situe au niveau du spectateur. La photo est structurée autour d'une ligne médiane sur laquelle se situe le mari. la répartition générale respecte de part et d'autre une parfaite symétrie (qui pourrait suggérer un effet miroir). Les couleurs sont franches : sur un arrière-plan clair, les couleurs primaires (jaune, rouge, bleu) se répartissent harmonieusement. Le mari, costume sombre, est soigneusement caché par le journal qui casse ainsi la masse sombre de la veste et permet de maintenir l'ensemble dans un équilibre de tons. Un triangle de "circulation des regards" part de la fillette de gauche qui observe sa sœur de droite qui regarde la mère qui nous regarde. Nous sommes donc conviés à participer à ce triangle de bonheur familial. Des "signes" enfermés dans un rectangle viennent infirmer ce message : le père est dans son monde, présence troublante de la corde à pendaison. Il y a donc deux situations dans cette photo : une apparence de bonheur et l'incursion d'un monde cruel, suicidaire.
2 - Interprétation :
Susan Copich s'attaque ici aux clichés traditionnels de la vie de famille heureuse. Dans sa série "Domestic bliss" (Bonheur domestique), version américaine de "la vie est un long fleuve tranquille" en quelque sorte, Susan Copich manie l'humour noir. Dans cette photo, une mère, une épouse, nous invite à partager son bonheur familial. La gente féminine est heureuse : une complicité unit les filles à leur mère, les sœurs entre elles. Le mari, le père en est exclu ou s'est-il exclu lui-même ? Plongé dans son journal, ignorant le monde qui l'entoure, sera-t-il dès lors victime d'une vengeance froide ? Quelle sera la sentence : mort par pendaison ? Mort par empoisonnement, la femme venant de verser dans la tasse un café empoisonné ? Nous, spectateur, sommes invités à cette scène macabre. La femme nous sourit, elle ne semble pas douter une seconde de notre complicité. Pourquoi viendrions-nous perturber ce qui est désormais écrit ? Après tout, nous comprenons la situation, nous comprenons le geste, la révolte. Tout ceci ne se passe pas dans une famille "groseille", une famille de milieu difficile. Cet homme avait tout pour être heureux ! La messe est dite.
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