Analyse - photo d'Erik Johasson
Pour voir son travail :
1 - Technicité :
Une vue d'ensemble d'un paysage d'une zone de montagne.
Au premier plan, dans le tiers droit, un homme juché sur un escabeau déroule un lé de papier peint.
Au second plan, au tiers gauche, un autre personnage pousse une brouette vraisemblablement chargée de rouleaux qu'il déposera au pied de l'escabeau.
En arrière-plan, le paysage aux couleurs bleuâtres.
L'image se partage en deux zones de surfaces inégales : la partie la plus claire en occupe les 4/5, la partie la plus sombre n'est là que pour nous rappeler ce qu'était ce paysage avant l'intervention humaine.
L'image est striée d'un faisceau de lignes, en particulier les cordages sur lesquels l'homme a fixé ses lés. Des poteaux verticaux ponctuent l'image.
Le hors-champ rend compte de l'étendue du paysage et de la tâche à accomplir et déjà accomplie.
Les couleurs ne sont pas agressives, douces, respectueuses de l'environnement. Seul le contraste entre le paysage masqué et le paysage recréé établit un déséquilibre en faveur du renouveau.
2 - Interprétation :
Comment ré-enchanter le monde ? Ici la solution est toute trouvée : cachons la misère.
En arrière-plan, le paysage n'est guère engageant : les nuages sont lourds, la lumière bleutée sombre, le sol jonché de cailloux, seuls les corbeaux semblent y vivre et encore ! Ce vol de corbeaux, à droite, va bientôt quitter le cadre de la photo : fuient-ils la zone parce qu'inhospitalière ou parce qu'ils se sentent chassés par le ré-enchantement ?
L'optimisme vient de la scène en premier-plan : des hommes ont pris le problème à bras-le-corps. Refus de la soumission à une disparition programmée ou à une morosité ambiante. Il s'agit ici d'agir, de montrer que "c'est possible !".
Ci-dessus, j'écrivais : "cacher la misère" mais cela va au-delà car ce que nous dit l'image, c'est que peu à peu les lés disparaissent, en particulier au sol, l'herbe a repris la place des cailloux et se réapproprie le paysage. On peut imaginer que, comme sur nos murs, peu à peu les lés se tendront et les bords se rejoindront et, ainsi, le décor deviendra réalité.
Cette image symbolise aussi la force du travail quotidien, du bien-fondé de la patience, de l'opiniâtreté. Dès lors que les hommes s'emparent de leur environnement et ont le désir de réparer ce qui a été délaissé (pas nécessairement par eux, d'ailleurs), tout est possible.
Non, l'homme n'est pas celui qui détruit, il peut être celui qui aménage les paysages, qui les répare.
Pour ceux qui souhaiteraient savoir comment Erik Johasson réalise ses images, suivre le lien :
Mai 2015
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