Analyse - Photo de Constantine Gedal

par Artsmette  -  #analyse, #critique photo

(c) Constantine Gedal

(c) Constantine Gedal

Constantine Gedal Plasticienne et photographe
1 - Technicité !
Photographie format carré en légère plongée sans respect de l'horizontalité (en témoignent les lignes du sol). On a l'impression de se trouver face à un polaroïd noir et blanc. Sauf qu'il y a tout de même des colorations légèrement ocrées. Vignettage autour de la photo, plus marqué en bas. Sur le côté gauche et en haut de la photo des bords noirs, un peu comme si la photographe souhaitait nous montrer une photo retrouvée dans un album ou une boîte aux secrets, photo prise par un amateur éclairé avec les moyens de l'époque. Deux personnages : un vieux monsieur, russe comme on aime se les imaginer, nous regarde sans haine, une jeune femme (lectrice ?) regard franc vers nous également. De sorte que la plongée prend du sens : les personnages, suivant la bascule du fauteuil, se sont tournés vers nous. Nous sommes invités dans cette scène. C'est le haut de la photo qui sert de champ de force. C'est dans cette partie de la photo que les gris clairs s'épanouissent (triangle des gris clairs : les deux visages et le livre ouvert). La palette des gris colorés atteint rarement le blanc pur ou le noir absolu. Des griffures donnent une impression d'altération de la pellicule ou d'usure du temps.
2 - Interprétation :
Mélange étrange de sérénité et de malaise de situation. Une jeune femme lisait un livre à un monsieur nu assis sur un fauteuil à bascule. Tous deux, surpris dans cette relation étrange, observent l'intrus (la photographe) ou les intrus (nous-mêmes) sans haine ni gêne apparente. Que nous quittions la scène et la lecture reprendra son cours ordinaire.
Dans cette pièce dépouillée, un certain confort règne : le siège à bascule avec coussin, dos capitonné et accoudoirs pour le vieil homme ; fauteuil confortable avec coussin pour la lectrice. Ce siège semble peut-être un peu plus "enfermant", le modèle aux épaules rejetées en arrière paraît plus frêle. Une couverture cache la partie basse du vieil homme en un drapé savamment étudié.
Le dépouillement de la pièce et des personnages centre le thème sur l'événement le plus important : la lecture d'un livre. Cette scène n'est pas sans rappeler les tableaux de Vanité où un saint Jérôme se dépouillait de tous signes de richesses pour se consacrer à la lecture. Sauf qu'ici, le saint est un vieil homme ordinaire qui n'a plus la force de lire lui-même mais qui prend tout de même plaisir à écouter.
Cette image est fascinante à la fois par sa beauté, sa pureté et son élégance.
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